Article de l'ambassadeur de Chine aux États-Unis Qin Gang sur la crise ukrainienne et ses suites

Le 18 avril 2022, l'ambassadeur de Chine aux États-Unis Qin Gang a publié un article intitulé « La crise ukrainienne et ses suites » sur le magazine américain « The National Interest ». Voici le texte intégral :

La crise ukrainienne est angoissante. Une minute de plus dans ce conflit signifie une épreuve de plus pour les 43 millions d'Ukrainiens. Mettre fin à ce conflit indésirable le plus tôt possible est plus important que tout le reste. 

La Chine aime la paix et s'oppose à la guerre. Elle prône le respect du droit international et des normes universellement reconnues régissant les relations internationales et le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale de tous les pays, y compris l'Ukraine. La Chine soutient tous les efforts susceptibles de parvenir à un cessez-le-feu et de soulager la crise humanitaire sur le terrain, et continuera de jouer un rôle constructif à cette fin. 

Des leçons doivent être tirées. Tout en travaillant pour mettre fin à ce conflit, nous devons également réfléchir sérieusement aux changements apportés par la crise et à la voie à suivre par la suite. 

Le système international d'après-guerre est soumis à la plus forte pression depuis la guerre froide. La pandémie unique depuis un siècle, la crise ukrainienne et les sanctions sans précédent, la spirale de l'inflation et une récession imminente, tout cela a sonné l'alarme pour la "chaudière" du système international. Il est grand temps que nous réduisions la pression, et non l'inverse, pour notre monde commun. 

L'Europe est au centre de toutes les pressions de la crise. Ses perspectives de stabilité et de prospérité ont apparemment été mises à mal du jour au lendemain et remplacées par d'énormes incertitudes. Pour inverser cette situation, il faut non seulement mettre fin à cette guerre, mais aussi apporter une réponse fondamentale à une paix et une stabilité durables en Europe, ainsi qu'une philosophie et une architecture équilibrées, efficaces et durables pour sa sécurité. 

Les évolutions contrastées des trente dernières années aux deux extrémités du continent eurasiatique devraient éclairer la manière dont la sécurité peut être assurée pour l'Europe et le monde. De l'autre côté du continent, la Chine, la Russie et les pays d'Asie centrale ont lancé le mécanisme des Cinq de Shanghai, dans une exploration sans précédent d'une nouvelle philosophie et d'un nouveau modèle de sécurité. En 1996, lorsque le président Bill Clinton a annoncé pour la première fois un calendrier pour l'élargissement de l'OTAN à Détroit, la Chine, la Russie, le Kazakhstan, le Kirghizistan et le Tadjikistan ont signé le Traité sur l'approfondissement de la confiance militaire dans les régions frontalières, résolvant une fois pour toutes les problèmes frontaliers de la Chine avec les pays de l'ex-Union soviétique et mettant fin à l'impasse militaire le long de la Chine et de l'Union soviétique. La première pierre de l'Organisation de coopération de Shanghai a ainsi été posée et « l'esprit de Shanghai », c'est-à-dire la confiance mutuelle, l'avantage mutuel, l'égalité, la consultation, le respect de la diversité culturelle et la poursuite du développement commun ont été établis. Ainsi, l'amitié de bon voisinage et la paix commune ont prévalu entre la Chine, la Russie et les pays d'Asie centrale. Comme le montre l'histoire, des choix différents conduisent à des résultats différents. 

La crise qui se déroule en Ukraine a également fait subir aux relations de l'Amérique avec la Russie et la Chine de nouvelles épreuves. En 1992, lorsque le président russe Boris Eltsine a effectué ses premières visites aux États-Unis et en Chine après la désintégration soviétique, les pays ont convenu de ne pas se considérer comme des adversaires, ce qui place essentiellement les relations bilatérales de la Russie avec les États-Unis et la Chine sur le même niveau. Au cours des trente dernières années, les relations sino-russes ont fait de grands progrès, mais elles reposent toujours sur la non-alliance, la non-confrontation et le non-ciblage de pays tiers. La Chine a été et restera un pays indépendant qui décide de sa position en fonction des mérites de chaque affaire, à l'abri de pressions ou d'ingérences extérieures. Les affirmations concernant la connaissance préalable par la Chine de l'action militaire de la Russie ou la fourniture par la Chine d'une aide militaire à la Russie est pure désinformation. Si des conflits similaires s'étaient produits dans d'autres endroits ou entre d'autres pays, la position de la Chine n'aurait pas été différente. Dans le même temps, les relations américano-russes glissent vers une nouvelle guerre froide, qui n'est dans l'intérêt ni de la Chine, ni des États-Unis, ni de la Russie, et n'est pas ce que la Chine souhaite voir. Une dégradation des relations russo-américaines ne signifie pas de meilleures relations sino-américaines, et de même, une dégradation des relations sino-russes ne signifie pas non plus de meilleures relations américano-russes. Chose plus importante, si les relations sino-américaines périclitent, cela n'augurera rien de bon pour les relations russo-américaines ou pour le monde.

Fait troublant, alors que la crise se poursuit, certains brandissent le bâton des sanctions contre la Chine pour la contraindre à renoncer à sa politique étrangère indépendante de paix, certains critiquent un « axe Beijing-Moscou », dans une dangereuse interprétation erronée des relations sino-russes, demandant à la Chine d'assumer la responsabilité de la crise. Certains lient Taïwan à l'Ukraine et jouent sur les risques d'un conflit à travers le détroit de Taïwan. D'autres encore, pour toutes les leçons qu'il convient d'en tirer, attisent l'incompréhension, la confrontation et l'insécurité en Asie-Pacifique, sans un minimum d'attention si cette région pourrait suivre les traces de l'Europe. Ces paroles et ces actions ne sont d'aucune utilité pour résoudre la crise ou assurer la stabilité des relations sino-américaines. Tirer tout le monde vers le bas ne sert à rien pour nos générations futures. 

L'Ukraine sait mieux que quiconque comment s'est construit le système international d'après-guerre. Plus de soixante-dix ans plus tard aujourd'hui, son avenir est de nouveau étroitement lié à celui du monde. Bien que nous ne soyons pas en mesure de parvenir à un consensus, pour le moment, sur le type de système international dont nous avons besoin, le « fléau de la guerre du siècle dernier, qui a causé, deux fois dans notre vie, des souffrances indicibles à l'humanité », et les quatre décennies d'éloignement qui ont suivi devraient nous éclairer sur le fait que nous vivons tous dans un monde partagé avec un avenir partagé. Il est impossible pour un pays ou un bloc de pays d'avoir une sécurité absolue tout en ignorant la sécurité des autres pays. Sans respect, confiance, accommodement mutuel et coopération, le monde ne serait jamais en paix. Il n'a pas besoin d'une autre guerre froide à la suite de la crise ukrainienne, ni ne peut se le permettre. 

La Chine et les États-Unis doivent non seulement travailler ensemble pour lutter contre le réchauffement du climat mondial, mais aussi rechercher un terrain d'entente maximal pour faire face au refroidissement du climat politique international. Les différences de perception de la crise ne justifient pas des accusations ou des pressions sans fondement ni devraient pas entraver nos efforts conjoints pour sortir de la crise. Je suis resté en communication étroite avec mes collègues américains à ce sujet. Dans le même temps, la Chine et les États-Unis doivent adopter une vision à long terme et avoir un dialogue pragmatique et constructif, une coordination et une coopération pour ce qui nous attend en dehors et après la crise. De cette manière, nous pouvons mettre en place un arrangement pour une paix et une stabilité durables en Europe acceptables pour toutes les parties ; résoudre correctement d'autres points chauds mondiaux ; prévenir et traiter l'impact de la crise sur l'économie et le commerce, la finance, l'énergie, l'alimentation et les chaînes industrielles et d'approvisionnement du monde, et minimiser les pertes pour l'économie et les moyens de subsistance des populations. Le système international n'est pas parfait. Il doit évoluer avec son temps, et la Chine s'engage à soutenir et à contribuer à ce processus, et non à le saper ou à le détruire. En dernière analyse, notre objectif commun est la paix durable, la sécurité universelle et la paix commune. La prospérité des 1,8 milliard de Chinois et des Américains et des 7,8 milliards d'habitants de la planète est la responsabilité historique de la Chine et des États-Unis en tant que deux grands pays.

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