Sébastien Périmony : Le 14e plan quinquennal et les priorités de développement de la Chine
Actualisé 07:42, 30 mars 2021
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14:36

Interviewé : Sébastien Périmony, expert de l'Institut Schiller sur l'Afrique

Q1. Le 14e plan quinquennal et les priorités de développement

D'abord, apprendre un petit peu ce 14e plan quinquennal, c'est un petit peu la continuation, une politique de planification économique qui a pris son envol en Chine depuis longtemps, depuis les réformes de Deng Xiaoping, à l'époque pour la modernisation de l'agriculture, l'industrie, la science, la technologie et la défense. Et puis, on peut dire que cette politique a connu un boom quand même assez extraordinaire depuis l'arrivée de Xi Jinping.

Et aujourd'hui, la Chine, grâce à cette planification économique, est devenue la deuxième puissance économique mondiale. On sait qu'en 2015, la Chine avait déjà lancé son « Made in China 2025 », justement avec comme objectif d'atteindre le plus haut niveau dans les technologies les plus avancés, et justement de ne plus dépendre des importations occidentales. Et même, c'était de lancer le défi d'être aux premières loges dans la recherche, le développement et l'innovation technologique. Donc, ce programme de « Made in China 2025 » avait été présenté par le ministère de l'Industrie, pour pousser la Chine à devenir leader dans des secteurs de l'énergie propre, en particulier de la robotique, les technologies de l'information. Et on peut dire avec un certain succès que déjà, certaines de ces objectifs ont été atteints : tout le monde se rappelle du programme du rover de la mission Chang'E III, le fameux Yutu, qui s'est posé sur la lune en 2013 et qui a été déjà un progrès technologique qui a placé la Chine justement dans le leader mondial dans ces domaines. Ou encore, récemment, le 10 février avec l'exploit de Tianwen, donc « Question au ciel », donc la mise en orbite martien de la sonde, également avec à son bord, un petit rover qui est censé arriver sur le Mars le 20 mai.

Donc tout ça, c'est les premières (missions) scientifiques et technologiques qu'a réalisées la Chine, et on peut dire aujourd'hui que la vraie innovation, c'est l'exploration. Et il faut mettre aujourd'hui, c'est ce que fait la Chine dans ses plans quinquennaux, et particulièrement ce 14e, il faut mettre au XXIe siècle les moyens financiers dans les grands projets de développement mutuel, et inverser ce que l'on a fait au XXe siècle où l'argent a été englouti dans deux guerres mondiales et une guerre froide qui d'ailleurs continue pour certains. Et on peut dire que, grâce à cette série de plans quinquennaux, aujourd'hui on n'en est au 14e, la Chine a réussi son pari de devenir un leader dans des domaines scientifiques et technologiques, et que ce nouveau plan quinquennal aujourd'hui pousse les ambitions et les objectifs de la Chine encore plus loin.

Q2. Lutte anti-Covid en Chine et le vaccin

Aujourd'hui, quand même il y a une grande partie du monde qui reconnaît la gestion qui a été très efficace de la lutte menée par la Chine dès le début de la pandémie, avec des mesures strictes, mais qui ont permis d'endiguer très rapidement l'épidémie. Comme toutes les pandémies, elles ne sont pas prévisibles, donc il y a toujours une phase d'adaptation au début, on ne peut pas régler tous les problèmes. Mais tout le monde a été impressionné par les images de la construction : on voit la vidéo sur Internet, en moins de deux semaines, deux hôpitaux, avec plus de mille lits chacun, le fameux hôpital, j'espère que je prononce bien, « Huo Shen Shan » nommé en référence « Dieu du feu » où travaille 1400 membres du corps médical, et le « Lei Shen Shan », hôpital du « Dieu de la foudre ».

Alors qu'en France, je rappelle qu'il a fallu plus d'une semaine pour installer l'hôpital militaire de réanimation de Mulhouse, qui ne pouvait accueillir que 30 malades. Donc, on peut voir cette dynamique, cette réactivité, et les moyens qui ont été mis par la Chine dès le début de la pandémie ont permis d'endiguer plus rapidement qu'en Europe, aux États-Unis, en Amérique latine, les ravages de cette pandémie.

Et Xi Jinping a non seulement fait beaucoup en intervenant rapidement et en montant les moyens nécessaires, mais il a également souligné son intention de bâtir des « Routes de la soie sanitaire », y compris avec l'Europe. Mais, je pense que le plus intéressant aujourd'hui, dans le cas de cette lutte contre la pandémie au moins à l'heure actuelle, c'est son partenariat avec l'Afrique, aussi bien dans la création et le développement du centre de contrôle et de prévention des maladies, donc le CDC africain, dans lequel la Chine joue un rôle très important, et qui jouera un rôle très important pour l'avenir de l'Afrique ; mais également, dès le début de la pandémie, pour fournir des aides en matériel médical sur le continent : des ponts aériens ont été ouverts entre la Chine et l'Afrique pour faire arriver le vaccin Sinopharm, et la Chine a offert 200 000 vaccins à la Sierra Leone, la campagne de vaccination a commencé au Sénégal. D'autres pays profitent également de ces vaccins que propose la Chine, comme les Seychelles, le Zimbabwe, l'Égypte, le Maroc, la Guinée équatoriale, enfin de nombreux pays.

Et aujourd'hui encore, la France et l'Union européenne sont en retard par rapport à ça. Notre président Emmanuel Macron appelait encore récemment à fournir à l'Afrique 13 millions doses de vaccin, alors que la mise en place de la vaccination en France est encore trop lente.

Q3. Réforme économique et l'ouverture de la Chine

Déjà on peut dire que toutes politiques d'ouverture, que ce soit la Chine ou un autre pays, ne peut être que bénéfique au reste du monde, surtout dans un monde où la tentative du repli sur soi aujourd'hui est de plus en plus forte que les tensions géopolitiques internationales, comme aujourd'hui en Syrie, en Iran, sont potentiellement des dangers.

Et lors du sommet Davos qui a eu lieu récemment, fin janvier, Xi Jinping et Vladimir Poutine ont été très clairs. Vladimir Poutine a déclaré, je le cite, que nous sommes dans une situation comparable à celle des années 30 du siècle dernier. Il se peut que nous devions faire face à un véritable bouleversement du monde, à une lutte de tous contre tous, avec des tentatives de résoudre les conflits latents par la recherche d'ennemis internes et externes. Et, Xi Jinping lui-même, a pointé du doigt ceux qui veulent, je le cite, créer des petits cercles ou déclencher une nouvelle guerre froide, chercher à exclure, à menacer ou à intimider.

Donc, c'est vrai que nous sommes dans une situation qui est dangereuse sur le plan international, donc tous pays qui s'ouvrent au monde, permettent le dialogue des civilisations. Le développement mutuel doit être au cœur d'un nouveau sommet des cinq membres permanents du conseil de sécurité de l'ONU, comme nous l'appelons de nos vœux avec l'Institut Schiller, justement pour mettre ces conflits géopolitiques de côté, et justement continuer cette politique d'ouverture que fait la Chine, cette politique d'ouverture que font d'autres pays et sortir enfin justement de cette guerre froide qui est un petit peu aujourd'hui malheureusement à nouveau d'actualité.

Q4. La réduction de la pauvreté en Chine

Nous, ce qu'on dit sur cette question à l'Institut Schiller, c'est que le premier des droits de l'homme : pouvoir se nourrir correctement. Alors, quand on entend toutes les critiques sur les droits de l'homme en particulier contre la Chine, alors qu'elle vient justement d'éradiquer officiellement l'extrême pauvreté dans son pays, on peut se poser la bonne foi de ces critiques. C'est quand même huit cents millions de personnes aujourd'hui qui sont sorties de l'extrême pauvreté. Évidemment que c'est un espoir pour le monde, parce que si la Chine a contribué à 70% à la réduction d'extrême pauvreté dans le monde, pourquoi les autres pays aujourd'hui ne pourraient pas réussir également.

Et ce que vient d'accomplir la Chine, c'est ce que nous défendons à l'Institut Schiller en Afrique, c'est ce que peut accomplir le continent africain dans les 30 prochaines années. Il faut savoir qu'il y a encore 600 millions de personnes en Afrique qui souffrent de malnutrition, qui n'ont pas accès à l'électricité, à l'eau. Et donc, cette politique de lutte contre l'extrême pauvreté qu'a mené la Chine, c'est devenu un modèle pour le monde. Surtout qu'elle l'a fait, comme vous l'avez dit, avec 10 ans d'avance sur les objectifs du développement durable définis par l'ONU. Et le secrétaire général de l'ONU, Antonio Guterres, lui-même a reconnu qu'au cours des dix dernières années, c'est la Chine qui a porté la plus grande contribution à la réduction de la pauvreté dans le monde.

Donc, je pense qu'il faut laisser les critiques, ceux qui voient le monde en noir tout le temps. Évidemment, sortir un pays de l'extrême pauvreté, ce ne se fait pas sans difficulté, mais la Chine l'a fait, la Chine a réussi, l'a fait même en avance sur bien d'autres pays. Alors que par exemple, en Europe, il y a des pays où la pauvreté augmente, il faut le savoir, suite à la crise financière. Donc, on peut que se réjouir de la politique qui a été menée et s'en servir comme un exemple, pourquoi pas même ici parfois en Europe.

Q5. Investissements étrangers

Certes, il y a un plan quinquennal, il y a une politique de planification de l'économie au niveau national, mais aussi une ouverture pour faire participer justement le reste du monde à cette croissance. Il y a un des exemples que je trouve très intéressant de cette politique très active de la Chine, c'est le lancement en 2018 de l'Exposition internationale des importations de Shanghai qui avait pour titre « nouvelle ère, future partagé ». Et lors de son discours, j'ai beaucoup aimé ce qu'avait dit Xi Jinping à l'époque, c'était en 2018, il avait dit que cet événement, cette foire d'importation n'était pas vu comme un « show » en solo, mais comme un chœur des nations du monde entier. Donc vraiment avec cet esprit orchestral, musical, justement où c'était vraiment pour en faire participer le plus de monde : il y a quand même eu 172 pays qui étaient représentés, des organisations internationales, 400 000 personnes sur l'ensemble de l'événement, il y avait de nombreuses entreprises françaises. Donc, ce type de foire d'importation rend très active la Chine qui, comme l'on a dit au début avec cette succession de plans quinquennaux, aujourd'hui est devenue leader dans les technologies du développement renouvelable, dans le domaine spatial, dans d'autres domaines. Et donc aujourd'hui, tout ça participe à l'ouverture de la Chine et à une coopération renforcée à l'international dans tous les domaines.

Q6. Innovations énergétique et neutralité carbone

Alors, Xi Jinping a été clair au sommet de Davos, puisqu'il a déclaré que la Chine allait atteindre le pic de ses émissions de CO2 en 2030, et la neutralité carbone d'ici 2060. Donc, quand la Chine se fixe des objectifs, on l'a vu jusqu'à présent, que ce soit dans l'exploration spatiale, dans la lutte contre l'extrême pauvreté, la Chine remplit ses objectifs. Mais pour nous, l'un des investissements majeurs en matière énergétique, se trouve dans la technologie nucléaire. L'énergie nucléaire actuelle, c'est ce qui possède le flux de densité énergétique le plus élevé, comparé aux énergies dites « renouvelables » ou « intermittentes ».

Donc, on a pu voir récemment dans l'État du Texas, 4,4 millions de foyers dans le froid et dans le noir, pendant presque trois jours. Il y a quand même 26 personnes qui sont mortes, donc privées d'électricité à cause de la vague de froid polaire. Et le Texas, c'est le premier producteur d'énergie éolienne des États-Unis, et l'éolien est la principale source d'énergie de l'État du Texas. Alors, le tout marche très bien, sauf quand il fait froid, puisqu'avec les conditions extrêmes, les turbines des éoliennes se sont gelées. Et donc, les coupures d'électricité ont dû être arbitrées.

Donc, pour nous, le nucléaire reste donc une priorité en termes d'investissement dans l'énergie, on sait que la Chine a mis en fonction l'EPR français qui est une technologie française, qui fonctionne déjà en Chine. Et puis, surtout la Chine continue à investir dans la fusion thermonucléaire contrôlée, qui est une énergie propre, une énergie abondante. On sait qu'elle a créé une école pour former des ingénieurs de la fusion thermonucléaire, et cette fusion thermonucléaire contrôlée, comme je disais, une énergie propre et abondante, sera l'énergie de demain.

Donc, voilà un petit peu dans quel secteur énergétique, la Chine doit continuer, puisqu'elle le fait déjà, à investir justement dans le cadre de son objectif qu'elle a fixé lors du sommet Davos, dans son 14e plan quinquennal.

Q7. La circulation intérieure

Non seulement c'est réalisable, c'est parfois déjà réalisé ou en cours de réalisation. La Chine a le record de construction de lignes de chemin de fer à grande vitesse dans son pays, ce qui a permis de développer des régions qui étaient vraiment isolées. Et le développement intérieur de la Chine, c'est ce qui lui permet de capitaliser justement sur ce qui va lui permettre de faire à l'international.

Ce développement intérieur a permis de sortir 800 millions de personnes de l'extrême pauvreté, donc ça on ne peut que s'en réjouir, mais ce nouveau modèle on peut dire, où la circulation intérieure, justement avec cette classe moyenne émergente, joue un rôle principal, mais elle ne peut pas être déconnectée d'une circulation internationale, et qui comme ça a été dit dans le plan de construire un pays socialiste moderne, prospère, puissant, démocratique en 2049, avec cette première étape d'ici 2035. Donc, ce développement intérieur a permis à la Chine d'avoir aussi une puissance sur le plan international et l'initiative « une ceinture, une route » en est un exemple. Puisqu'elle joue un rôle important dans les relations internationales, il y a plus de 130 pays dans le monde qui participent à cette initiative, incluant d'ailleurs des pays européens comme l'Italie ou récemment encore l'accord signé en Afrique avec la République Démocratique du Congo.

On peut dire que l'initiative « une ceinture, une route », c'est le projet du siècle, comme le fut le plan Marshall, après la Seconde guerre mondiale. Et c'est un projet que notre Institut, l'Institut Schiller avait déjà présenté dans les années 90, sous le nom de « pont terrestre mondial » qui était l'idée de bâtir des corridors de développement à l'échelle internationale : des ponts, des ports, des routes, des lignes de chemin de fer. Et la présidente de notre Institut Madame Helga Zepp-LaRouche, a elle-même d'ailleurs été invitée à participer, c'était en mai 2017, au premier forum de « la ceinture et la route ». D'ailleurs, elle est connue là-bas comme étant la dame de la route de la soie. Et on peut dire que l'esprit de Bandung, le développement intérieur de la Chine, son renforcement sur la scène internationale a permis de ramener ce qu'on appelait à l'époque l'esprit de Bandung. C'est-à-dire une coopération internationale pour le développement mutuel, en particulier entre les pays du Sud avec l'initiative des BRICS, également à laquelle participe la Chine, c'est une bonne nouvelle pour le monde, à partir du moment où chaque pays considère l'avantage d'autrui, l'avantage de l'autre, que nous sommes tous sous le même ciel, comme dit la philosophie de Tianxia, et que l'on a qu'un objectif c'est de coopérer, réduire la pauvreté chez soi, et se battre pour réduire la pauvreté et se développer avec les autres dans le monde. On peut se réjouir que la Chine soit très active du moins dans ces deux domaines.

Note : L'article reflète les opinions de l'auteur, et pas nécessairement celles de CGTN Français.

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