Macau Post Daily : Le « sommet pour la démocratie » de Biden – la mentalité « nous contre eux »

Harald Brüning, rédacteur en chef allemand du Macau Post Daily, a publié le 6 décembre un article signé « Le 'sommet pour la démocratie' de Biden – la mentalité 'nous contre eux' ». Selon l'article, le gouvernement Biden utilise son propre critère pour ce qu'elle considère comme la « démocratie », en excluant la Chine et la Russie. Les concepts obsolètes de l'Occident évoquant un retour en arrière et un confinement, ainsi que les stéréotypes diaboliques du « péril jaune » et de la « menace chinoise », devraient être jetés à la poubelle de l'histoire.

Le « sommet pour la démocratie » de Biden – la mentalité  « nous contre eux »

Le  « sommet pour la démocratie » virtuel du président américain Joe Biden devrait diviser davantage le monde à un moment où notre planète a urgemment besoin d'un effort collectif pour s'attaquer à une multitude de problèmes urgents tels que la pandémie de COVID-19 et le changement climatique.

La division à motivation idéologique et géopolitique est la dernière chose dont notre planète a besoin en ce moment.

Le sommet qui a lieu ce jeudi et vendredi ne comprend qu'environ la moitié des États membres de l'ONU dans le monde ainsi qu'une entité qui n'est reconnue ni par l'ONU ni par les États-Unis : Taïwan. À peine quinze États (dont le Vatican) entretiennent toujours des relations diplomatiques avec l'île, que Beijing considère comme une partie inaliénable de la Chine. Les États-Unis ont reconnu dans trois communiqués publiés entre 1972 et 1982 que Taïwan, qui a été une colonie japonaise pendant 50 ans, jusqu'à son retour à la domination chinoise en 1945, qu'il n'y a qu'une seule Chine et qu'elle comprend Taïwan.

Inévitablement, la décision de Biden d'inviter Taïwan au sommet est une provocation et un défi non dissimulé au principe « Une seule Chine » qui est officiellement reconnu par plus de 90 % des États du monde, y compris les États-Unis. Même le département d'État américain reconnaît implicitement ce fait en décrivant tous ceux qui participent au sommet comme des « participants », et non des « États » ou des « pays » – une concession peut-être à contrecœur par rapport à la realpolitik.

La République populaire de Chine (RPC), où vit environ 18% de la population mondiale, et la Russie, qui représente 11% de la surface continentale du monde, font partie des nombreux autres pays qui n'ont pas été invités par Biden. D'autres non inclus dans la liste de Biden sont des alliés traditionnels des États-Unis tels que la Turquie et Singapour. Parmi les pays lusophones, l'Angola a été invité, mais pas le Mozambique.

Il est évident que l'administration Biden utilise son propre critère pour ce qu'elle considère comme la « démocratie » en ce qui concerne sa liste d'environ 110 invités – et c'est le nœud du problème.

Lors de mon premier semestre d'études des sciences politiques dans les années 1970 à Munich, nos professeurs nous ont dit une évidence : il n'y a pas un seul modèle de démocratie. De toute évidence, cela dépend d'un large éventail de facteurs politico-historiques. La culture politique occidentale considère généralement la Grèce antique comme le berceau de son genre de démocratie – l'étymologie grecque du mot signifie «gouverner par le peuple». D'une manière générale, en Occident, le terme « démocratie » est aujourd'hui simplement un raccourci pour « démocratie libérale » – bien que, même en Occident, la démocratie soit en pratique assez différente d'un pays à l'autre.

Le terme chinois de démocratie est « min zhu » (民主), un terme qui combine les caractères pour « peuple » (民) et « hôte » (主). L'étymologie du terme est assez complexe, et je recommande un article de Lin Wei, professeur à l'École de traduction de l'université de Jinan à Guangzhou, consacré à ce sujet.

L'article du professeur Lin est un bon exemple de la manière dont le concept de « démocratie » s'est développé différemment dans le monde.

Le président Xi Jinping a déclaré, lors d'une conférence centrale sur les travaux liés à l'assemblée populaire du pays en octobre, qu'« il est, en soi, antidémocratique d'utiliser un seul critère pour évaluer les systèmes politiques riches et variés [du monde] et d'examiner les diverses civilisations politiques de l'humanité depuis une perspective monotone. 

En effet, le développement démocratique est un phénomène à multiples facettes. Il y a des États comme la Chine qui sont indépendants depuis des centaines ou des milliers d'années, et de nombreux autres pays dont l'histoire - malheureusement - comprend des centaines d'années d'exploitation coloniale et de répression culturelle. L'histoire d'un pays, notamment, détermine le type de démocratie qu'il choisit de développer.

Sous Xi, la Chine a choisi la « démocratie populaire sur l'ensemble du processus » comme voie à suivre, basée sur un système à plusieurs niveaux d'assemblées populaires (locales, provinciales, nationales).

Le Bureau de l'information du Conseil des affaires d'État a publié samedi un livre blanc sur la façon dont « fonctionne la démocratie » en Chine. Selon le journal, « la démocratie est un phénomène concret en constante évolution. Enracinée dans l'histoire, la culture et la tradition, elle prend des formes diverses et se développe au gré des chemins de différents peuples et de leurs expérimentations et innovations.

Selon le document, la démocratie populaire dans son ensemble intègre deux modèles démocratiques majeurs : la démocratie électorale et la démocratie consultative.

Il souligne que « la démocratie populaire sur l'ensemble du processsus a des caractéristiques chinoises distinctes ; il illustre également des valeurs communes et contribue aux idées et solutions de la Chine au progrès politique de l'humanité. 

L'article montre que la Chine a développé son propre concept de démocratie qui est assez différent de celui de l'Occident - et l'article présente une conclusion intéressante : il y a toujours une marge d'amélioration du système démocratique. La quête et les expériences de l'humanité pour une plus grande démocratie ne finiront jamais. » Absolument!

J'espère que l'Occident - les États-Unis en tant que leader incontesté en particulier - acceptera enfin le fait que la Chine a choisi son propre modèle de développement. Modèle qu'elle n'essaie d'ailleurs d'imposer à personne d'autre - contrairement à l'Occident. La Chine n'est pas une république bananière mûre pour un changement de régime préparé par l'Occident. C'est le champion du monde de la réduction de la pauvreté qui travaille maintenant à la réalisation de son objectif d'atteindre une prospérité commune (共同富裕), ce qui n'est pas une mince affaire non plus. Les concepts obsolètes de l'Occident évoquant un retour en arrière et un confinement, ainsi que les stéréotypes diaboliques du « péril jaune » et de la « menace chinoise », devraient être jetés à la poubelle de l'histoire.

Soit dit en passant, en tant que social-démocrate invétéré, j'ai regardé avec horreur une émission-débat sur l'Australian Broadcasting Corporation (ABC) il y a quelques semaines dans laquelle l'un des invités soulignait que l'augmentation de la pauvreté n'est pas un problème pour les politiciens parce que ça n'attire pas les voix des électeurs. Et j'ai toujours pensé que la réduction de la pauvreté était l'une des mesures les plus démocratiques qu'on puisse imaginer.

Les relations sino-américaines étant la relation bilatérale la plus importante au monde, elles doivent être soigneusement entretenues comme une fleur délicate. Ce dont le monde a besoin, c'est que ces deux pays les plus importants soient capables d'établir une relation mutuellement bénéfique de manière pragmatique et réaliste. Ils n'ont pas besoin de devenir des amis intimes, mais doivent s'efforcer de mettre en place un partenariat viable.

C'est pourquoi j'aimerais espérer que la malheureuse approche « nous contre eux » du sommet ne soit qu'une aberration éphémère, peut-être causée par des enjeux de politique intérieure.

Juste une dernière remarque : je trouve les allégations inconsidérées de génocide au Xinjiang par certains politiciens occidentaux extrêmement répugnantes. J'ai récemment discuté séparément de la question avec un ami travaillant pour des médias portugais et un ancien camarade d'université de Munich, qui est juif, et tous deux ont déclaré que ces affirmations étaient une insulte aux victimes de l'Holocauste. Je ne pourrais pas être plus d'accord avec eux.

– Harald Brüning

(Photo : VCG)

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